Déroulement et conséquences de la catastrophe
Le déroulement de la catastrophe de Tchernobyl
Le 26 avril 1986 à 1h23 du matin, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en service depuis 1983, explose accidentellement lors de la réalisation d’un essai technique.
L’énergie libérée par l’explosion entraîne l’émission brutale dans l’atmosphère, jusqu’à plus de 1 200 mètres de hauteur, des produits radioactifs contenus dans le cœur du réacteur nucléaire. Les rejets se poursuivent jusqu’au 5 mai 1986.
En dix jours, ce sont près de 12 milliards de milliards de becquerels qui partent dans l’environnement, soit 30 000 fois l’ensemble des rejets radioactifs atmosphériques émis en 1986 par les installations nucléaires en exploitation dans le monde.
Le scénario de l’accident
Le 25 avril 1986 au matin, les opérateurs entament la procédure de réduction de la puissance.
Entre 13h et 23h, contrairement au programme initial de l’essai, le réacteur est maintenu à mi-puissance, à la demande du centre de distribution électrique.
Vers 23h, la réduction de puissance reprend. Mais l’état du réacteur est inapproprié à la réalisation de l’essai : le cœur est très difficile à contrôler avec les moyens disponibles. Une stabilisation du réacteur était à ce stade nécessaire. Mais pressés de rattraper le retard, les opérateurs décident de réaliser l’essai.
Le 26 avril 1986 à 1h23’04”, l’essai démarre. Les vannes d’alimentation en vapeur de la turbine sont fermées. La température monte dans le cœur provoquant une augmentation de la réactivité. Le réacteur se met à diverger de manière incontrôlable. Les opérateurs réalisent alors la gravité de la situation.
À 1h23’40”, le chef opérateur ordonne l’arrêt d’urgence. La totalité des barres commencent à descendre dans le cœur, mais n’ont pas le temps d’arrêter la réaction en chaîne : la divergence est devenue trop rapide.
À 1h23’44”, le pic de puissance est atteint, dépassant de plus de 100 fois la puissance nominale du réacteur.
Une explosion, puis un incendie
Les fortes pressions atteintes dans les tubes de force qui renferment chacun plusieurs assemblages de combustibles nucléaires, provoquent leur rupture. Une déflagration soulève la dalle supérieure du réacteur, d’un poids de 2 000 tonnes.
La partie supérieure du cœur du réacteur est à l’air libre. Le graphite prend feu, plusieurs foyers s’allument dans l’installation. Trois heures seront nécessaires aux pompiers pour les éteindre. Le feu de graphite reprend. Il ne sera arrêté définitivement que le 9 mai 1986.
Du 27 avril au 10 mai 1986, 5 000 tonnes de matériaux (sable, bore, argile, plomb, etc.) sont déversées par hélicoptère pour recouvrir le réacteur.
Les causes conjuguées de l’accident
Avant l’accident de Tchernobyl, les connaissances disponibles dans les pays occidentaux sur les réacteurs RBMK étaient très limitées. La sûreté de leur fonctionnement n’avait jamais fait l’objet d’évaluation approfondie.
Après la catastrophe, d’importants efforts internationaux furent mis en œuvre pour l’étude et l’évaluation du niveau de sûreté des réacteurs RBMK : elles ont conduit à l’identification de nombreux défauts dans la conception initiale des réacteurs.
En particulier : une instabilité importante du réacteur à certains niveaux de puissance, un temps de réaction trop long du système d’arrêt d’urgence et l’absence d’enceinte de confinement autour du réacteur.
De plus, faute de préparation suffisante des conditions nécessaires à l’essai prévu, et par manque de temps lors de sa réalisation, les opérateurs n’ont pas respecté toutes les règles de conduite. Ils ont par ailleurs commis des violations de règles en inhibant de très importants systèmes de sûreté.
Les conséquences de Tchernobyl
«En dissimulant aux populations les conséquences sanitaires et écologiques de l’accident de Tchernobyl, les dirigeants des grandes puissances participent à la désinformation cinquantenaire dont bénéficie l’industrie nucléaire, aussi bien civile que militaire 1. Cette stratégie, car c’en est une, est coordonnée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), porte-parole de l’establishment nucléaire, grâce à la promotion d’une pseudo-science 2(2) sur les effets des contaminations radioactives.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en est, hélas, partie prenante, du fait de l’accord signé en 1959 entre les deux agences. Ce document interdit à l’OMS d’informer les populations sur les effets des rayonnements ionisants pour les humains sans l’aval de l’AIEA.
En janvier 2010, toutefois, l’Académie des sciences de New York (NYAS) a publié le recueil le plus complet de données scientifiques concernant la nature et l’étendue des dommages infligés aux êtres humains et à l’environnement à la suite de l’accident de Tchernobyl. Cet ouvrage met à la disposition du lecteur une grande quantité d’études collectées dans les pays les plus touchés : la Biélorussie, la Russie et l’Ukraine3 (3). Les auteurs estiment que les émissions radioactives du réacteur en feu ont atteint dix milliards de curies, soit deux cents fois les retombées des bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki ; que le nombre de décès à travers le monde attribuables aux retombées de l’accident, entre 1986 et 2004, est de 985 000, un chiffre qui a encore augmenté depuis cette date. Des 830 000 « liquidateurs » intervenus sur le site après les faits, 112 000 à 125 000 sont morts.
Beaucoup de ces hommes et femmes ont reçu, souvent sans protection, d’énormes quantités de rayonnements et ont inhalé des poussières fortement chargées en isotopes de l’uranium. L’OMS et l’AIEA avaient présenté, en 2005, un bilan d’une cinquantaine de morts parmi les liquidateurs et jusqu’à 9 000 décès « potentiels, au total », attribuables à la contamination radioactive — et ce uniquement parmi les populations les plus affectées de Biélorussie, d’Ukraine et de la Fédération de Russie…
Des milliers d’études ont mis en évidence dans les pays touchés une augmentation sensible de tous les types de cancer, ainsi que des maladies des voies respiratoires, des affections cardiovasculaires, gastro-intestinales, génito-urinaires, endocriniennes, immunitaires, des atteintes des systèmes lymphatiques et nerveux, de la mortalité prénatale, périnatale et infantile, des avortements spontanés, des malformations et anomalies génétiques, des perturbations ou des retards du développement mental, des maladies neuropsychologiques et des cas de cécité.
Si les conséquences sanitaires et environnementales laissent les technocrates de marbre, la facture économique finale, elle, devrait les émouvoir. Pour les vingt premières années, les dépenses directes provoquées par la catastrophe pour les trois pays les plus touchés dépassent 500 milliards de dollars, ce qui, rapporté au coût de la vie dans l’Union européenne, représente plus de 2 000 milliards d’euros. Autant, donc, sinon plus, que le coût de construction de toute l’infrastructure nucléaire mondiale !»
Alison Katz, fonctionnaire internationale à l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
« Le Monde diplomatique » décembre 2010, page 25
- Wladimir Tchertkoff, Le Crime de Tchernobyl. Le goulag nucléaire, Actes Sud, Arles, 2006, 717 pages ; Galia Ackerman, Guillaume Grandazzi et Frédérick Lemarchand, Les Silences de Tchernobyl. L’avenir contaminé, Autrement, Paris, 2006, 300 pages. ↩︎
- Chris Busby (sous la dir. de), The Health Effects of Ionising Radiation Exposure at Low Doses and Low Dose Rates for Radiation Protection Purposes, Green Audit, Aberystwyth, 2010. ↩︎
- Alexey Yablokov, Vassili Nesterenko et Alexey Nesterenko, « Chernobyl : Consequences of the catastrophe for people and the environment »,
Annals of the New York Academy of Sciences,
vol. 1181, Wiley-Blackwell, avril 2010, 330 pages. ↩︎