Le reportage en Russie et en Ukraine, réalisé fin mars 2011, a été une expérience humaine et médiatique très forte. Les images rapportées par le reporter-photographe de « L’Alsace » Thierry Gachon témoignent de la réalité à Tchernobyl (Ukraine) et à Novozybkov (Russie).
30 ans après la catastrophe nucléaire, ce reportage est un état des lieux mais surtout une somme d’informations pour rétablir la vérité. Trente et une photos de taille importante (90 x 70 cm), légendées avec la journaliste Elisabeth Schulthess, constituent une exposition commune entre le journal « L’Alsace » et l’association « Les Enfants de Tchernobyl ». Cette exposition, dont son auteur dit : « Ce n’est pas de l’art, c’est du reportage. Ce n’est pas une expo militante, mais elle a pour objectif d’ouvrir les consciences est elle destinée à circuler« .
8 à 9 millions de personnes vivent dans les zones très contaminées par le nuage de Tchernobyl, à plusieurs centaines de kilomètres de la centrale, en Ukraine, en Biélorussie, en Russie. On l’appelle le Couloir d’Or : ce long corridor relie les salles de contrôle des 4 réacteurs de cette centrale prévue pour être la plus grande d’Europe, avec 12 réacteurs. …et la vie semble normale au centre-ville. La radioactivité ne se voit pas, ne se sent pas. Les trottoirs sont des patinoires en hiver.Les tuyaux des réseaux de chaleur sont aériens. A Novozybkov, ville de 41 000 habitants qui n’ont pas été évacués faute de moyens pour les reloger, les mamans promènent leurs enfants sur les places de jeux. Une seule pièce pour les 5 membres de la famille de Serguei et des papiers peints qui se décollent. Mais tout le monde se réjouit : Serguei partira en France. Photo des familles assistant à la réunion dans la salle des fêtes de Novozybkov. PhSnejana quittera pour la première fois son pays dans 4 mois : elle passera 3 semaines de vacances en Alsace, grâce à l’associationHôpital de Novozybkov, service d’endocrinologie : tous les patients passent par cet appareil de mesure de la contamination interne et sont répertoriés dans un registre. Le sol et l’eau sont contaminés par le césium 137. Consigne : ne pas manger de produits de la chasse, de la pêche ou de la cueillette. Mais les pauvres n’ont pas le choix. Champignons séchés et confitures de myrtilles se vendent au marché. Serguei Utsachov, ingénieur responsable du réacteur n°1, mis en service en 1977 et arrêté en 1996. En attendant son démantèlement, il faut surveiller les matièresLes 3 autres réacteurs de la centrale de Tchernobyl ont été arrêtés, le dernier en 2000. 3200 personnes surveillent les combustibles irradiés et entretiennent les installations. Devant la caserne de pompiers de Tchernobyl, un monument en hommage aux 28 pompiers qui se sont sacrifiés pour tenter d’éteindre l’incendie après l’explosion. A la mairie de Novozybkov, ville russe contaminée, les portraits de Dimitri Mededev, 3ème président de la Fédération de Russie, qui a succédé à Vladimir Poutine: identiques, interchangeables… 91 000 personnes habitaient 74 villages dans un rayon de 30 km autour de la centrale. Evacuées entre le 1 et le 7 mai, elles n’ont plus jamais pu regagner leur maison. Il habite près de la forêt, où la radioactivité est très forte.Il y cueille des champignons, y coupe son bois, jette les cendres dans son jardin. Et ne veut pas quitter cet endroit. Anasthasia, 28 ans, attend son quatrième enfant.Elle est contente, elle a un jardin pour y faire jouer les petits.Mais le sol, très contaminé, met leur santé en péril. Mars 2011 : des ouvriers nettoient les abords de la centrale de Tchernobyl. Les balais sont rudimentaires, les masques sont en option, malgrè les poussières très radioactives. La grande roue de Pripyat s’est arrêtée quand les 50 000 habitants ont été évacués après la catastrophe. Depuis janvier 2011, la ville fantôme est ouverte aux touristes. L’amour maternel ne suffit pas à protéger de la radioactivité.3 semaines en Alsace, avec une nourriture propre, permet de réduire de 20 % la contamination des enfants. Visage porcelaine, enfant sage. 40 à 80 % des enfants des zones contaminées sont malades : cancer, leucémie, pathologies cardiaques ou thyroïdiennes, handicap mental… Prypiat était aussi appelée Atomograd, ville de l’atome. Les panneaux de propagande soviétique subsistent. Les habitants ont du fuir. Certains sont morts prématurément. e qu’il reste des autos-tamponneuses de Pripyat, la ville idéale du progrès et du bonheur, construite dans les années 1970 pour les travailleurs du nucléaire. Dans une petite maison d’un village fantôme près de Tchernobyl. Les matériaux récupérables ont été vendus au marché noir. La poupée est restée. Rêves brisés. Dans la salle des fêtes de Novozybkov, réunion avec l’association Les Enfants de Tchernobyl pour préparer le voyage. Les regards sont graves face à l’inconnu. Après la catastrophe du 26 avril 1986, le réacteur N°4 de Tchernobyl a été entouré d’un sarcophage qui sera recouvert d’une enceinte de confinement estimée à 1,5 milliard d’euros. Katia, 8 ans, et sa maman vivent dans un tout petit logement d’un immeuble collectif : cuisine et sanitaires sont communs à 8 familles.Le bâtiment est insalubre. Salle d’attente de l’hôpital. Moyens médicaux dérisoires.La catstrophe est une bombe à retardement : cancers et mutations génétiques risquent de toucher aussi les générations suivantes. A l’entrée de Prypiat, une croix orthodoxe posée après la chute du régime de « l’athéisme militant ». Evocation du sacrifice humain ? Fatalisme ? Résignation ?Dans le quartier le plus pauvre de Novozybkov, dans une maison de bois délabrée, Snejana, 8 ans, peigne sa poupée. Une Barbie… Hôpital de Novozybkov, service de pédiatrie. Les parents étaient tout jeunes au moment de la catastrophe.Ils n’ont pas pu fuir. Leurs enfants aussi sont victimes. Entrez ! Serguei, 10 ans, ouvre la porte de son HLM sordide comme si c’était un château. Le sourire généreux, il ne craint pas de partager ses misérables conditions de vie. Un des 830 000 liquidateurs, Grigoriy, et sa femme Nina, avec un diplôme de l’URSS pour toute reconnaissance : »Je prie Dieu pour que cela ne se reproduise plus. »